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En regardant voler les mouches, Art, littérature et attention
EAN13
9782889600977
Éditeur
La Baconnière
Date de publication
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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En regardant voler les mouches

Art, littérature et attention

La Baconnière

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782889600977
    • Fichier EPUB, avec Marquage en filigrane
    11.99

Autre version disponible

Minuscule, captivant, le diptère apparaît aussi dans l’art et la littérature
comme le point d’entrée privilégié d’une réflexion sur l’attention. Ses
dimensions, sa ténuité font de lui un détail, et cette insignifiance apparente
– cette inutilité – aiguisent justement l’attention, la portent à l’énième
puissance. L’oeil fasciné se réjouit ou s’exaspère de la dextérité du petit
animal, de son agilité minutieuse, s’étonne ou s’afflige de ses saccades,
démarrages en trombes et autres pauses inversées. La mouche a l’art d’attirer
sur elle le regard en même temps qu’elle distrait, qu’elle arrache à la
concentration par un chatouillis, un bourdonnement ou une trajectoire
parfaitement incongrue. Elle nous assaille par tous les sens. Il ne suffit pas
de fermer les yeux pour s’en défaire, ni de se boucher les oreilles, encore
faut-il recouvrir sa peau pour tenter de se prémunir contre son contact
horripilant ; et l’on reste aux aguets quand elle a franchi d’un virage
brusque la fenêtre entrouverte, jamais bien sûr de son évanouissement. Si la
mouche est avant tout objet d’attention – une attention plus ou moins ciblée
et tournée vers le dehors –, elle est aussi, dans la mesure où elle accède à
la représentation, figure de l’attention ou de l’inattention. Son exceptionnel
champ de vision est modélisé ou fantasmé, et ses yeux à facettes deviennent
une allégorie de l’omnivoyance, tandis que sa manière d’être au monde, son
appréhension physique, tactile, de la réalité, inspire peintres et penseurs,
donne à réfléchir sur la trace, l’effleurement, le tropisme. La mouche, enfin,
attire le regard et frappe les sens de manière exemplaire par sa monstruosité.
Frontalement, lorsqu’elle apparaît à la loupe (ou sur grand écran) et plus
indirectement, en raison de son lien à la fois symbolique et concret au corps
cadavérique et en décomposition. La mouche cesse alors d’être un petit être
distraitement perçu pour devenir une ombre étrange et mauvaise qui s’impose à
la vision, à l’esprit et au corps : en un dernier retournement, elle se révèle
ainsi objet de répulsion, de refoulement, de refus. On s’est laissé détourner,
moins déranger que séduire, moins interdire qu’interpeler par l’insecte
minuscule. Les pages qui suivent invitent à tirer différents fils qui relient
le motif de la mouche au problème de l’attention. Fidèles à la dynamique
réflexive d’un travail commun et désireuses d’en conserver la trace, les
contributions de chacun s’inscrivent dans un ensemble où elles se font
thématiquement suite et écho. Tantôt elles se focalisent sur un fragment de
littérature, dont elles proposent la patiente dissection, tantôt elles
envisagent des ensembles plus vastes, des itinéraires d’écriture, de création
et de pensée, dont elles suivent les linéaments. Une fois le travail accompli,
l’habitude est de faire disparaître au plus vite les échafaudages. Sans
réintroduire les plans caducs auquel ce livre s’est peu à peu soustrait, on
désignera cependant ici l’impulsion décisive d’une prise en compte des
innombrables expressions de langue française issues d’une attention plus ou
moins hostile au comportement des mouches. L’une d’elles qui qualifie cette
attention même donne le titre à l’ouvrage. « En regardant voler les mouches »
: on peut l’entendre comme une incitation au désoeuvrement et à la paresse,
mais aussi peut-être, au coeur de cette inattention attentive, comme une
disponibilité donnant accès à la leçon de l’objet contemplé. On a voulu parier
en effet sur une puissance d’intelligibilité liée au minuscule ou au désuet
et, plus modestement, sur une manière de faire coexister dans un même espace
livresque des trajectoires superposées qui ne cessent de se frôler à des
niveaux différents, constituant ainsi autant de fils directeurs. Ouvrage
collectif de chercheurs et chercheuses du département de Lettres de
l'Université de Genève.
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