Le management de la vertu

Aux arguments juridiques et éthiques pressant les entreprises de traiter tous
les salariés de manière égale et de lutter contre les discriminations, les
milieux d’affaires ont opposé leur propre stratégie de la diversité. Dans les
plus grandes entreprises, sa mise en œuvre est confiée aux managers de la
diversité et repose sur l’idée que la valorisation des différences et le
traitement équitable de la main-d’œuvre permettrait d’attirer les talents, de
conquérir de nouveaux marchés (grâce à un personnel qui reflète davantage les
identités et la culture des clients), d’améliorer l’image de l’entreprise, de
stimuler la créativité ou encore l’engagement. Que nous disent ces politiques
de la diversité du capitalisme contemporain ? Laure Bereni a rencontré plus
d’une centaine de « managers de la diversité » en poste dans de grandes
entreprises installées dans les quartiers d’affaires de New York et de Paris.
Émerge de son enquête l’essor, de part et d’autre de l’Atlantique, de
conduites gestionnaires marquées du sceau de la vertu et qui témoignent d’une
articulation entre morale et marché propre à l’ère néolibérale. Directrice de
recherche au CNRS Laure Bereni est sociologue au centre Maurice Halbwachs
(ENS-EHESS-CNRS). Ses travaux portent sur le genre, les mouvements sociaux et
l’action anti-discriminatoire (parité politique, promotion de la diversité en
entreprise). Elle est notamment coauteure, avec Sébastien Chauvin, Alexandre
Jaunait et Anne Revillard, d’une Introduction aux études sur le genre, (De
Boeck Supérieur, 2020, 3e éd.).