Difficile de ne pas être marqué(e) par les trois premières phrases du récit, tant l'auteur y frappe fort...
" Si l'on s'était sérieusement demandé pourquoi ma mère avait cru bon d'honorer son patron en posant, ce jour-là, deux genoux à terre, il aurait fallu d'abord, pour éviter tout jugement inconsidéré, se rappeler que ma mère était une femme très scrupuleuse et à qui l'on avait appris que la hiérarchie est une chose à respecter, parce que de son maintien dépend un ordre salutaire à tous, même à celui qui, comme ma mère ce jour là, se trouve placé au plus bas. Certes, il aurait été bon aussi de mentionner l'évidence anatomique selon laquelle si ma mère était restée bouche bée, nuque en l'air et jambes à terre entre les cuisses de son patron, je n'en serais pas arrivé là. Il a bien fallu que ce grand homme, soucieux de magnanimité et d'équilibre, relevât d'un coup ma mère, lui permettant ainsi de le regarder droit dans les yeux, tandis qu'elle glissait inexorablement vers son vit et vers ma venue car , en effet, c'est ainsi que ce jour-là, son patron est devenue mon père"
Entre ces deux "naissances", nous suivons le parcours initiatique et burlesque de ce jeune homme ( jamais nommé, "je") résolument optimiste, bousculé par les aléas de la vie au sein d'une famille "déglinguée" ( HLM, terrain vague, meule…), chaotique et parfois psychotique. Tous les personnages portent d'ailleurs les signes d'une re/naissance.
Madeleine, la mère - jeune veuve - dépressive retrouve vie au contact de la faune d'une discothèque (CocoDisco) et par la grâce d'une co-locataire transsexuelle (Dominique). Le meilleur ami du "héros"(Léonard), adolescent en quête effrénée de sa première expérience sexuelle, tombe sans trop de scrupule dans les bras de Dominique.
La jeune soeur scélérate (Philomène), experte en torture infantile, canalise ses pulsions dans une vocation de gardien de prison, qu'elle abandonnera par la grâce d'une maternité hors norme ( amoureuse de la femme (Fiona) de son ex-amant (Robert alias Bob) et père de l'enfant. Le frère "obèse" (Georges), mu par un puissant besoin de manger épouse Gisèle, une sexie marchande de frites, stérile, avec qu'il fera un enfant par mère porteuse interposée (Katia), laquelle jeune mère porteuse est l'initiatrice sexuelle du héros. Enfin une prof de théâtre d'âge mur, experte en jeux de l'amour (Violaine Tricot) accompagnera le jeune homme vers ses premières réelles extases physiques et lui permettra d'entreprendre efficacement la fille qu'il aime, une amie de lycée (Rose) un peu serrée par un père flic (homo) et pour qui il accomplira des prouesses.
Au coeur de ce tourbillon (on imagine facilement ce texte porté à la scène) le jeune homme trop beau, trop intelligent (sorte de Caliméro) est l'observateur privilégié des événements qui le mèneront à la découverte de l'amour et à la béatitude.
Au centre du roman, une pièce de théâtre. Partition d'une chorégraphie mêlant Marivaux, à Cassavetes, Ettore Scola à Martin Parr.
La langue de l'enfant est étonnamment "adulte", travaillée écartant toute tentative de réalisme et produisant un contre-tempo extrêmement drôle et jouissif.
"Peu lui importait que le récit fût légendaire, pourvu qu'il fût dit".
Sous titrée "Politique de l'image", Tina est une excellente revue, plutôt de type impertinente ! Son format de poche est agréable. Les sujets traités abordent des questions de société, par la bande. Pour ce second numéro, Humour et identité nationale sont au programme. Avec pour point d'orgue, cette question " en France, l'identité nationale prête-t-elle à rire ? Le terrorisme constitue t-il une industrie culturelle ?
Toutes les réponses sont dans Tina,
Le rendez-vous quinzo
La version nouvelle du Tigre est en librairie et en kiosque depuis quelque temps et on se surprend à attendre l'arrivée quinzomadaire de la bestiole.
Le ton y est décalé, drôle, parfois loufoque. Les articles de fonds sont passionnants et relèvent d'enquêtes au long court (que l'on peut retrouver par ailleurs réunis dans la collection des livres du Tigre, un régal).
Mêlant également l'histoire de la presse, de la pub (le choix iconographique nous ramène à la grande période de l'Illustration...)et contrastant les invitations faites aux artistes contemporains (la réalisation du cahier-poster central).
Le Tigre griffe fort les zones sensibles de notre corps politique !
Les pointeurs sont au rouge, avec humour et pas de côté.
Un bonheur. Avec un bon café, le samedi matin en terrasse...
Découvrir Monstre
Étonnant Monstre que me recommande un ami, une revue homo qui nous invite à fouiller les placards, thème de ce numéro. Sortir du placard justement. "Monstre a exploré les étagères, les buffets, les coffres, les armoires, tout ce qui contient, recèle et cache..."
Vous pouvez explorer les territoires de cette revue sur le site revuemonstre
Pour ma part, je recommande l'article étonnant et dérangeant d'Ibrahim Abraham, chercheur en Cultural studies et intitulé "Du voile et Du Placard", I. Abraham y souligne une forme de similitude entre "le placard" et le voile, les décrivant comme les métaphores d'espaces sexualisés pour l'Islam et l'occident...
Quand on aime la typographie et le graphisme...
Un excellent numéro de la revue Back Cover entièrement consacré aux liens étroits qu'entretiennent la typographie, le design et la mise en page avec le livre d'art ou d'artiste.
À noter en particulier l' article d'Étienne Robial sur la re-découverte du livre culte Pioneers of Modern typography.
Superbe iconographie qui illustre parfaitement l'architecture invisible qui sous tend l'ouvrage, les images et la typographie.