Romy Schneider

Premier film à 14 ans, star internationale à 18, Romy Schneider a dû, dès le
plus jeune âge, naviguer d’un extrême à l’autre. De l’anonymat d’un internat
religieux très strict aux projecteurs, de l’adoration excessive du public à
l'indifférence ou l’acharnement, de périodes de travail intenses à l’isolement
et l’ennui, de l’insouciance à la gravité la plus insondable. Comment tracer
sa route quand on est issu d’une lignée d’acteurs célèbres ? Comment rester au
firmament quand on atteint les sommets trop tôt ? En à peine trois ans et
trois Sissi, Romy Schneider étouffe et envoie tout valser. Le corset et les
régimes à répétition, la perruque d’impératrice et la tutelle de ses parents.
En particulier celle de son beau-père honni qui gère ses cachets et sa
fortune. La pupille de l'Autriche et de l’Allemagne refuse d’incarner une fois
de plus Elizabeth d’Autriche et quitte son pays pour la France. Ses
compatriotes ne le lui pardonnent pas. Une relation conflictuelle entretenue
jusqu’à sa mort. “À chaque événement de votre vie - qu’il s’agisse d’une
fausse-couche, d’un mariage, d’un divorce, d’un film - la génération Sissi
hurle d’horreur et réclame sa pure impératrice. Pour les uns, vous êtes alors
une putain, et pour les autres, toujours une madone, à qui le monde ne joue
que des mauvais tours”, lui déclare un journaliste du magazine Stern lors d’un
entretien en 1981. Dans son pays d’adoption, un nouveau grand écart attend
l’actrice, éclipsée par ce charmant jeune premier, Alain Delon, qu’elle a
choisi sur catalogue, lorsqu’il n’était qu’une photo parmi d’autres. Les
réalisateurs n’ont d’yeux que pour lui, elle est cantonnée dans l’ombre.
Eternelle Sissi ou femme de, elle s’efforce de briser cette image à l’eau de
rose qui lui colle à la peau. En témoignent ses choix de rôle - de femme
incestueuse, victime de l’horreur nazie, prostituée, actrice ratée,
meurtrière, alcoolique -, des rôles de plus en plus sensuels ou sombres dans
lesquels elle s’abandonne, quitte à y laisser une part d’elle-même. Dans cette
quête d’absolu, Romy Schneider dit avoir quatre maîtres : Visconti, Welles,
Sautet et Zulawski. Son jeu unique est le fruit de leur enseignement, de leur
harcèlement pour certains, de leur bienveillance pour d’autres. Le fruit aussi
d’une personnalité qui s’est construite à l’écran. Après tout, n’a-t-elle pas
vécu ses premières expériences face à la caméra, comme son premier baiser ?
N’utilise-t-elle pas aussi le cinéma pour apprivoiser ses terreurs d’enfant et
réparer l’irréparable ? Il en résulte une sensibilité à fleur de peau et une
insécurité permanente trop souvent éclipsés par sa beauté magnétique et sa fin
tragique. Un talent brut et une quête de liberté qui trouvent un écho puissant
dans la société actuelle. Le livre paraîtra à l'occasion d'une grande
exposition consacrée à Romy Schneider à la Cinémathèque française du 16 mars
au 31 juillet 2022 Collaboratrice au magazine Sofilm depuis 2016, Faustine
Saint-Geniès a également co-écrit Les Soprano by Sofilm (éditions Capricci).
Auparavant, elle a travaillé comme journaliste politique et comme
correspondante à New York.