Malika, une vie précieuse

« Cher monsieur Yezid. Nous sommes policiers. Nous sommes aussi des hommes et
des pères. Nous avons honte et ne pouvons parler… Nous sommes tenus au silence
par nos chefs mais c’est d’indignation que nous sommes muets ! » Voici les
premières lignes d’une lettre qui porte l’en-tête du Syndicat CFDT des
inspecteurs de police, datée du 27 juillet 1973 et adressée à Saïd Yezid, le
père de Malika Yezid. Parce qu’elle avait cherché à prévenir son frère,
soupçonné de s’être introduit dans une cave de son immeuble, de l’arrivée des
gendarmes, celle-ci s’est retrouvée enfermée dans sa chambre par et avec l’un
d’entre eux. Elle en est ressortie dans le coma, puis est morte à l’hôpital.
Elle avait huit ans. Aidée d’Asya Djoulaït, autrice de Noire précieuse
(Gallimard, 2020) et de Sami Ouchanne, historien, la nièce de Malika, Jennifer
Yezid, seule survivante de la famille, prend en charge le récit de ce drame et
de ses conséquences. Comme tant d’autres avant et après, dont celui d’Adama
Traoré est aujourd’hui l’un des plus documentés, ce crime policier a eu des
répercussions sur plusieurs générations : drogue, prostitution, suicides,
placements forcés et morts précoces jalonnent ou achèvent leurs parcours. À
l’aide de nombreux documents d’époque et d’une approche littéraire, Malika,
une vie précieuse retrace pas à pas l’effroi et l’injustice, les
mobilisations, le malheur et l’espoir. Ce livre est aussi un monument érigé à
la dignité de chacun des membres de la famille Yezid, partis de Kabylie pour
vivre dans la cité des Groux, à Fresnes. Née en 1992, Jennifer Yezid est la
nièce de Malika Yezid, morte en 1973. Dernière survivante de la famille Yezid,
elle a mis des années, avec l'aide de sa grand-mère, à retrouver les archives
du drame dont elle s’est donné pour mission de faire un livre, en hommage à
son fils Luca, à sa famille et à toutes les victimes de violences policières.
Sami Ouchane est professeur agrégé et chargé d'enseignement à SciencesPo
Paris. Lauréat de la Fondation Martine Aublet, il poursuit un doctorat
d'histoire et de science politique à l'IEP d'Aix-en-Provence. Il a accompagné
Jennifer Yezid dans le traitement de ses archives personnelles ainsi que dans
leur mise en contexte historique. Professeure de lettres dans le second degré,
Asya Djoulaït est lauréate du Prix du jeune écrivain et du Festival du premier
roman et a notamment écrit Noire précieuse (Gallimard, 2020). Elle a accepté
d'accompagner Jennifer Yezid dans l'écriture de son livre.